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Évaluation environnementale - L'utilisation d'oligodésoxynucléotides CpG comme immunostimulants et adjuvants

16 juillet 2018

L'information contenue dans la présente évaluation environnementale était pertinente lors de sa préparation. Il se peut que la situation ait changé depuis. Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec le Centre canadien des produits biologiques vétérinaires (CCPBV).

Table des matières

Résumé

Les oligodésoxynucléotides (ODN) CpG, semblables à l'acide désoxyribonucléique (l'ADN) bactérien, sont reconnus par le système immunitaire inné des vertébrés comme un « signal de danger » et stimulent des réponses immunitaires à médiation tant humorale que cellulaire. Ces molécules d'ADN sont actuellement mises au point pour servir à la fois d'adjuvants de vaccin et d'immunostimulants employés seuls. Le CCPBV a préparé la présente évaluation environnementale afin d'évaluer le risque de permettre l'utilisation de produits expérimentaux contenant ces éléments.

1 1 Introduction

1.1 Mesure proposée

Le Centre canadien des produits biologiques vétérinaires (CCPBV) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments  est responsable de l'homologation des produits biologiques vétérinaires utilisés au Canada. L'autorité légale pour la réglementation des produits biologiques vétérinaires au Canada est fournie en vertu de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux. Tout produit biologique vétérinaire fabriqué, vendu ou présenté en vue d'une utilisation au Canada doit satisfaire aux exigences du CCPBV en matière d'innocuité, de pureté, de puissance et d'efficacité.

La présente évaluation environnementale a été préparée dans le but de fournir des renseignements généraux sur l'utilisation et l'innocuité des oligodésoxynucléotides (ODN) CpG, comme immunostimulants employés seuls, et comme adjuvants de vaccin. Le CCPBV a délivré des permis dans le but de faciliter la recherche sur ces molécules au Canada.

1.2 Contexte

Le système immunitaire inné des vertébrés reconnaît l'acide désoxyribonucléique  (l'ADN) bactérien comme substance étrangère en partie grâce à la détection de motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMP) par les récepteurs de reconnaissance de motifs, qui sont exprimés par certaines cellules du système immunitaire. Les dinucléotides CpG non méthylés, un type de PAMP, se trouvent fréquemment dans le génome bactérien; à l'inverse, la présence de CpG est supprimée dans le génome des vertébrés jusqu'à environ un quart de la valeur attendue (1 pour 16 dinucléotides), la base de cytosine étant méthylée dans environ 80 % de ces occurrences.

Les récepteurs de type Toll (TLR) appartiennent à la famille des récepteurs de reconnaissance de pathogènes déclenchés par les PAMP exprimés par les pathogènes. Les TLR sont exprimés principalement sur les cellules du système immunitaire, mais d'autres cellules, comme les cellules de la barrière épithéliale, peuvent aussi exprimer ces récepteurs. Treize types de TLR ont été découverts chez la souris et onze chez l'humain, dont le TLR-9, qui reconnaît les motifs CpG non méthylés. Lorsqu'il est stimulé, le TLR-9 déclenche une réponse biaisée en faveur de l'immunité pro-inflammatoire de type Th1 (Krieg, 2006).

Il a été démontré que les ODN CpG renforcent l'immunité muqueuse et systémique et déclenchent une réaction qui favorise l'immunité à médiation humorale et cellulaire (Mutwiri, 2012). Plus précisément, on a émis l'hypothèse que les ODN CpG stimulent directement la prolifération et la différenciation des cellules B et activent les cellules présentatrices de l'antigène (cellules dendritiques, macrophages et monocytes) afin d'augmenter la présentation de l'antigène et la sécrétion de cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires (IL-12, IFNα, TNFα, etc.). Ces réponses, à leur tour, activent les cellules tueuses naturelles (qui sécrètent de l'IFNγ), les lymphocytes T auxiliaires (en particulier les cellules Th1), les lymphocytes T cytotoxiques et la production d'anticorps spécifiques à l'antigène. Par conséquent, l'utilisation de motifs CpG comme immunostimulants pourrait s'avérer particulièrement utile pour favoriser la protection contre les bactéries intracellulaires et certains virus.

Il a été démontré que la co-administration d'ODN CpG avec des vaccins conventionnels ou de nouveaux types de vaccins accélère et amplifie l'immunité attribuable aux vaccins. Or, les ODN CpG employés seuls semblent aussi conférer une immunité innée contre les bactéries et les virus. Le CCPBV pourrait donc s'attendre à recevoir des demandes pour l'une ou l'autre des utilisations susmentionnées.

2 Caractéristiques moléculaires et biologiques des organismes parentaux et recombinants

2.1 Provenance, description et fonction du matériel génétique étranger

Les séquences CpG sont généralement courtes (entre 20 et 30 nucléotides) et consistent en des ODNs monocaténaires comprenant un ou plusieurs (souvent 3 ou 4) dinucléotides CpG présents dans différentes séquences de bases (motifs CpG). Ces séquences se répartissent en trois grandes classes définies par leur structure et leur fonction biologique (tableau 1). Il est intéressant de noter que l'immunoactivité d'un ODN CpG donné présente une spécificité d'espèce, probablement en raison de l'évolution génétique divergente des récepteurs de reconnaissance de motifs qui se lient aux ODN CpG et qui diffèrent considérablement sur le plan de la séquence et de la position optimales des motifs CpG composites. Afin d'accroître leur stabilité in vivo, on modifie souvent la composition chimique des ODN en remplaçant certains groupements oxygénés par des groupements soufrés sur le squelette, ce qui crée des liaisons phosphorothioates plutôt que phosphodiesters. Puisqu'il a été démontré que le fait de rapprocher le motif CpG de l'antigène améliore la réponse immunitaire, ces ODN peuvent être administrés avec l'antigène dans les liposomes ou même fusionnés à la protéine antigénique. Par ailleurs, les motifs CpG sont parfois incorporés au squelette plasmidique d'un vaccin à ADN.

Tableau 1. Comparaison des propriétés des classes d'ODN CpG
Classe Caractéristiques structurelles Propriétés immunologiques
A Motif(s) CpG phosphodiesters
Motifs poly-G phosphorothioates en 5' et en 3'
Forme des agrégats
Forte production d'IFNα par les pDC
Maturation modérée des pDC
Faible activation des cellules B
B Squelette phosphorothioate
Riche en T avec des motifs CpG
Monomérique
Forte activation des cellules B
Forte maturation des pDC
Faible production d'IFNα par les pDC
C Squelette phosphorothioate
TCG en 5' et motif CpG dans un palindrome central
Forme des duplex
Bonne production d'IFNα par les pDC
Bonne maturation des pDC
Bonne activation des cellules B

2.2 Méthode de modification génétique

En général, les ODN CpG sont synthétisés artificiellement puis purifiés par des entreprises spécialisées dans la synthèse des acides nucléiques.

2.3 Stabilité génétique, transfert horizontal de gènes et possibilités de recombinaison

Le transfert de matériel génétique entre organismes par des moyens autres que la reproduction, aussi appelé transfert horizontal de gènes, est relativement courant chez les microorganismes. Par conséquent, l'exposition des microorganismes à des ODN CpG intacts et libres peut entraîner l'absorption et/ou l'incorporation d'ODN CpG dans le génome d'un microorganisme. Toutefois, si un tel événement se produisait (malgré le fait que l'exposition devrait être limitée), cela n'augmenterait probablement pas l'infectiosité ou la pathogénicité du microorganisme étant donné que le fragment d'ADN ne possède aucune fonction connue et qu'il ne code aucun produit génique. Les séquences CpG se trouvent à l'abondance relative attendue dans la plupart des bactéries communes et des grands génomes viraux (Burge et coll., 1992). L'ajout de séquences d'ADN conventionnelles qui ne codent aucun avantage sélectif apparent constitue une charge métabolique, et de telles séquences ne sont généralement pas retenues par le génome d'un microorganisme.

Il est possible que l'ADN injecté contenant des motifs CpG puisse se recombiner et s'intégrer au génome de certaines cellules animales cibles; cependant, la probabilité d'intégration est quelque peu réduite en raison de l'absence d'homologie entre les motifs CpG et le génome des vertébrés et du fait que les séquences d'ODN CpG sont généralement courtes. Il a été démontré que les dinucléotides CpG étrangers, une fois intégrés au génome d'un vertébré, peuvent subir la méthylation du résidu cytosine de la même façon que l'ADN endogène (Sutter et Doerfler, 1980). Par conséquent, si certains de ces éléments d'ADN sont incorporés dans le génome de cellules animales cibles, leur modification chimique devrait empêcher l'auto-immunoréactivité. Il n'en demeure pas moins que le risque de mutations par insertion causées par l'intégration de l'ADN exogène dans les régions codantes du génome peut justifier une évaluation plus approfondie de la fréquence de l'intégration et de la persistance des motifs CpG.

2.4 Gamme et spécificité d'hôtes, tropisme tissulaire et possibilités de propagation et d'excrétion

Il a été démontré que les ODN CpG induisent une réponse immunitaire dans une variété de gammes d'hôtes, y compris les oiseaux, les poissons, les porcs, les bovins, les équidés et les primates. Lorsqu'ils sont utilisés comme adjuvants, les ODN CpG ciblent certaines cellules présentatrices de l'antigène et sont internalisés par celles-ci, ce qui est essentiel à leur immunoactivité. Toutefois, la spécificité tissulaire des ODN CpG injectés ne se limite pas aux cellules immunitaires. Par exemple, une étude a montré que les cellules de glioblastome absorbent les ODN CpG lorsqu'ils sont injectés dans le cerveau comme traitement expérimental du cancer (Zhang et coll., 2005). D'autres études ont montré qu'à la suite d'une administration par voie sous-cutanée ou intraveineuse chez des souris et des rats, une quantité appréciable d'ODN CpG se trouvait non seulement au site d'administration, mais aussi dans le foie et les tissus rénaux, vraisemblablement aux fins de métabolisation et d'excrétion (Palma et Cho, 2007; Noll et coll., 2005).

Les ODN CpG ne sont ni infectieux ni réplicatifs chez l'animal vacciné. Des études portant sur le devenir des ODN marqués chez les souris et les rats ont montré que la plupart des ODN phosphodiesters et phosphorothioates administrés par voie intraveineuse ou intrapéritonéale sont rapidement excrétés dans l'urine et, dans une moindre mesure, dans les matières fécales, sous la forme dégradée de petits métabolites (Geary et coll., 1999; Sands et coll., 1994; Cossum et coll., 1994; Agrawal et coll., 1991). Dans l'ensemble, ces résultats indiquent qu'un adjuvant CpG intact ne serait pas excrété par les animaux vaccinés ou qu'il ne se propagerait pas aux animaux visés et non visés.

2.5 Voie d'administration et de transmission

Les ODN CpG ont été administrés sans complication dans des systèmes expérimentaux et lors d'essais cliniques par voie sous-cutanée, intramusculaire, intrapéritonéale, intraveineuse, intranasale et orale. En revanche, une étude a montré que l'injection d'ODN CpG dans les articulations provoque de l'inflammation et de l'arthrite (Zeuner et coll., 2003).

3 Innocuité pour l'humain

3.1 Données antérieures sur l'innocuité

Les ODN CpG sont actuellement évalués dans le cadre de plusieurs essais cliniques en tant qu'adjuvants pour des vaccins contre des agents infectieux et le cancer (Scheiermann et Klinman, 2014; Adamus et Kortylewski, 2018). Plus de 1 000 sujets ont participé aux essais cliniques. La dose d'ODN CpG habituellement administrée dans ces essais variait de 1,5 à 15 µg/kg à une fréquence allant d'une semaine à un mois. À ce jour, aucun effet indésirable grave directement attribuable à l'utilisation d'ODN CpG n'a été signalé. Les effets indésirables les plus souvent signalés sont les maux de tête, la fatigue, les douleurs musculaires et les réactions au point d'injection (rougeur, enflure, et douleur). Toutefois, un traitement prolongé aux ODN CpG pourrait causer des troubles auto-immuns (Krieg, 2006; 2012).

3.2 Risque d'exposition pour l'humain

L'exposition humaine aux adjuvants CpG utilisés dans les vaccins vétérinaires sera probablement limitée aux vétérinaires, aux techniciens en santé animale, au personnel affecté à la fabrication et au personnel de laboratoire effectuant les essais. La consommation de viande d'animaux vaccinés ne devrait pas présenter un risque d'exposition puisqu'il a été démontré que les adjuvants CpG sont rapidement catabolisés et éliminés par un animal vacciné et que les produits biologiques vétérinaires exigent généralement une période de retrait d'au moins 21 jours.

3.3 Conséquences possibles de l'exposition chez l'humain

L'innocuité des ODN CpG, démontrée par des essais cliniques chez les humains, permet de croire que les expositions humaines accidentelles ne causeront aucun dommage considérable. De plus, le risque de consommer des produits animaux pouvant contenir des résidus d'ODN CpG devrait être faible, puisque la grande majorité de l'ADN ingéré (qu'il soit endogène ou exogène) se dégrade efficacement dans le tube digestif humain (Jonas et coll., 2001).

3.4 Pathogénicité chez l'humain

Bien que les motifs CpG soient semblables à l'ADN bactérien, ces éléments d'ADN courts ne possèdent aucune propriété infectieuse, et la probabilité de réversion de la virulence est nulle.

3.5 Risques associés à une utilisation répandue

Étant donné que les ODN CpG ne sont pas réplicatifs et qu'ils sont en grande partie dégradés in vivo par l'animal vacciné, peu d'ODN CpG persisteront dans l'environnement, et les humains seront peu exposés. Pour les raisons susmentionnées, les risques associés à une utilisation répandue de l'adjuvant devraient donc être faibles.

4 Innocuité pour l'animale

4.1 Données antérieures sur l'innocuité

Des ODN CpG ont été administrés en toute sécurité à des oiseaux (Linghua et coll., 2007; 10 μg par dose), à des poissons (Jørgensen et coll., 2003; jusqu'à 100 μg par poisson), à des porcs (Dory et coll., 2005; 200 μg par dose), à des ovins (Nichani et coll., 2007; jusqu'à 25 mg par dose), à des bovins (Ioannou et coll., 2002; jusqu'à 25 mg par dose), à des équidés (Lopez et coll., 2006; 250 μg par dose) et à d'autres espèces animales.

Une série d'études précliniques de toxicité conformes aux bonnes pratiques de laboratoire ont été menées avec des ODN CpG 1018. Ces études à dose unique et à doses multiples menées sur des rongeurs et des primates non humains ont montré, dans l'ensemble, que l'injection intramusculaire d'ODN CpG 1018 en doses pouvant aller jusqu'à 12,5 mg/kg n'a entraîné aucune toxicité cliniquement significative. Des études distinctes de reproduction et de toxicité génétique n'ont révélé aucun signe important de reproduction ou de mutagénicité, et il n'y a eu aucune production d'anticorps anti-ADN natif chez les souris ou les babouins immunisés à l'aide de vaccins formulés avec des ODN CpG 1018 (Higgins et coll., 2007).

4.2 Devenir du produit chez les espèces visées et non visées

Des études caractérisant la biodistribution des ODN à la suite d'une injection intraveineuse ou intrapéritonéale indiquent que l'ADN exogène est rapidement éliminé du sang circulant et se trouve en abondance au point d'injection, dans le foie et dans les reins (Palma et Cho, 2007; Noll et coll., 2005; Cossum et coll., 1994; Agrawal et coll., 1991). Il semble que les ODN phosphodiesters et phosphorothioates soient en grande partie dégradés in vivo par les nucléases et que leurs métabolites soient excrétés dans l'urine et, dans une moindre mesure, dans les matières fécales. À la suite d'une administration de bolus chez des souris, les demi-vies d'élimination tissulaire de l'ODN intact dans le foie et les reins ont été estimées à 49,5 heures et 192 heures, respectivement (Geary et coll., 1999).

4.3 Risque d'excrétion et/ou de propagation par suite de contacts entre des animaux vaccinés et les animaux visés et non visés

Étant donné que les ODN CpG sont des éléments non réplicatifs et qu'ils sont très dégradés avant leur excrétion par les animaux vaccinés, il est peu probable que les ODN CpG soient excrétés ou propagés par ces derniers.

4.4 Réversion de la virulence résultant de la réinoculation chez les animaux

Bien que les ODN CpG puissent ressembler aux séquences d'ADN bactérien, ils ne possèdent aucune virulence. Le passage de l'élément d'ADN par un hôte animal ne modifiera pas cette propriété.

4.5 Effet d'une surdose chez les espèces visées et non visées

Les fabricants sont tenus de démontrer l'innocuité d'une surdose d'un produit biologique vétérinaire complet. En raison de la variabilité observée dans l'immunoactivité de différents ODN CpG, toute modification de l'adjuvant CpG devrait justifier la répétition de ces études d'innocuité.

Il existe certaines preuves de la toxicité des surdoses d'ODN CpG. Des souris qui se sont fait injecter une dose quotidienne de 60 μg d'ODN CpG ont manifesté une toxicité générale, y compris des signes de splénomégalie, d'hyperplasie des ganglions lymphatiques, d'hépatotoxicité et même de décès au 20e jour (Heikenwalder et coll., 2004). En revanche, une autre étude a indiqué que des souris ayant reçu une dose hebdomadaire de 50 μg d'ODN CpG pendant deux mois sont demeurées physiquement vigoureuses et n'ont présenté aucun signe de splénomégalie ou d'hépatomégalie (Klinman et coll., 1999). De plus, l'administration hebdomadaire répétée d'ODN CpG utilisés comme immunostimulants chez des singes à des doses aussi élevées que 10 mg/kg n'a pas causé de maladies importantes (Krieg et Wagner, 2000). La toxicité des surdoses d'ODN CpG est plus prononcée chez les souris en raison de la distribution cellulaire plus large de l'expression du TLR-9 chez ces animaux que chez les primates (Ketloy et coll., 2008).

On s'inquiète de la possibilité que les adjuvants CpG provoquent des réponses auto-immunes inattendues chez les animaux visés. Une telle situation pourrait résulter de la persistance accrue des lymphocytes autoréactifs, car les ODN CpG ont tendance à bloquer de manière non spécifique l'apoptose des lymphocytes activés. Par ailleurs, on a envisagé l'utilisation d'adjuvants CpG pour améliorer l'immunogénicité des protéines du soi au site de vaccination afin de déclencher une réponse auto-immune. Comme pour les vaccins à ADN, on a soulevé la possibilité que les adjuvants CpG provoquent des maladies auto-immunes en stimulant la production d'anticorps anti-ADN natif. Une étude qui s'est penchée sur cette dernière possibilité a mesuré un nombre d'anticorps anti-ADN de deux à trois fois plus élevé chez des souris ayant reçu une injection d'ODN CpG; toutefois, ces niveaux élevés d'anticorps anti-ADN n'ont apparemment provoqué aucune maladie auto-immune chez les souris (Mor et coll., 1997). En revanche, d'autres données suggèrent que l'administration d'ODN CpG peut accroître la susceptibilité aux maladies auto-immunes dans certains modèles de maladies, comme le lupus et l'arthrite (Zeuner et coll., 2003). Enfin, il a également été proposé que si des ODN CpG sont administrés en présence d'autres promoteurs du TNFα (comme la D-galactosamine ou le lipopolysaccharide), une surabondance de TNFα pourrait entraîner un choc toxique potentiellement mortel (Sparwasser et coll., 1997). Tout compte fait, ces incertitudes soulèvent la nécessité d'un examen plus approfondi des effets secondaires potentiels de l'utilisation de doses élevées ou répétées d'ODN CpG en tant qu'immunostimulants.

4.6 Innocuité relative en comparaison d'autres adjuvants

Les adjuvants CpG ne semblent pas causer de lésions tissulaires importantes au point d'injection. Une comparaison de la morphologie macroscopique du point d'injection à la suite de la co-administration de l'antigène de surface de l'hépatite B avec différents adjuvants chez des souris a démontré que l'adjuvant contenant des ODN CpG produisait moins de maladies musculaires que le TiterMax Gold (un émulsifiant expérimental), l'adjuvant complet de Freund (un mélange d'huile minérale et de mycobactéries), l'adjuvant incomplet de Freund et le monophosphorolipide, malgré une forte réponse immunitaire. Les recherches ont à ce jour montré que seul l'alun causait moins de lésions tissulaires, celles-ci étant négligeables (Weeratna et coll., 2000). De même, une autre étude a indiqué que les lésions tissulaires causées par l'utilisation d'adjuvants CpG chez les lapins étaient aussi mineures que celles causées par l'alun (Ioannou et coll., 2003).

Un autre adjuvant expérimental employé surtout avec les vaccins à ADN comprend une cytokine et/ou une chimiokine coexprimée (ou co-administrée en tant que protéine purifiée) avec l'antigène du vaccin. Comparativement à ce type d'adjuvant immunostimulant, les ODN CpG s'avéreraient probablement plus sécuritaires, car ils utilisent le mimétisme pour tromper le système immunitaire en coordonnant l'expression de multiples cytokines et chimiokines endogènes au lieu de surexprimer une cytokine ou une chimiokine dans un contexte artificiel. De plus, la méthode de la coexpression de cytokine et de chimiokine présente le risque du transfert horizontal d'un gène codant une molécule biologiquement active.

4.7 Innocuité pour les femelles gravides et pour les petits nourris à la mamelle par une mère vaccinée

Une étude menée sur des souris indique que l'exposition à une dose élevée de motifs CpG (15 mg/kg) pendant la gestation pourrait entraîner la perte du fœtus et des défauts morphologiques (Prater et coll., 2006). Toutefois, aucune anomalie n'a été observée avec une dose 10 fois inférieure. Dans une autre étude menée sur des rats, l'injection intrapéritonéale de 20 mg/kg d'ODN CpG au sixième jour de la gestation n'a pas entraîné de diminution significative du nombre moyen de fœtus implantés ou du nombre de petits vivants mis au monde (Hernando-Insua et coll., 2010).

En général, la vaccination n'est pas recommandée pour les animaux en gestation. Si des fabricants souhaitent vacciner des animaux en gestation ou en lactation, il serait peut-être prudent d'exiger des preuves que les motifs CpG ne se transfèrent pas par le placenta ni par les glandes mammaires pendant la lactation. Bien que des études indiquent que de très faibles concentrations d'ODN CpG circulent dans le sang après l'injection initiale, la prudence est de rigueur quant à l'utilisation de ce type d'adjuvant chez les animaux en gestation ou en lactation étant donné la possibilité qu'une tolérance se développe chez le fœtus ou le nouveau-né qui est exposé aux motifs CpG en l'absence de cellules présentatrices de l'antigène activées.

5 Environnement touché

Les ODN CpG sont intrinsèquement non réplicatifs, ce qui signifie que la source de ces éléments d'ADN est limitée à celle qui est synthétisée par le fabricant. De cette quantité, la majorité des molécules d'ODN CpG serait injectée dans les animaux visés, où elles seront considérablement dégradées avant d'être excrétées dans l'environnement. Par conséquent, la dissémination de l'adjuvant dans l'environnement sera probablement de très faible ampleur.

6 Mesures d'atténuation

6.1 Santé des travailleurs

Les personnes qui travaillent dans les installations de production de vaccins, les vétérinaires et les techniciens en santé animale pourraient être exposés à l'adjuvant CpG. Comme il en a été question dans la section sur l'innocuité pour l'humain, une telle exposition ne devrait pas constituer une source de préoccupation en matière d'innocuité.

6.2 Manipulation d'animaux vaccinés ou exposés

L'exposition des propriétaires d'animaux aux ODN CpG sera probablement très faible étant donné que les animaux vaccinés n'excrètent pas la molécule d'ADN intacte et que la contamination accidentelle des poils et de la peau des animaux au site de vaccination n'est pas considérée comme préoccupante du point de vue de la santé publique.

7 Conclusions et mesures mises en oeuvre

D'après la documentation évaluée par des pairs disponible, les ODN CpG ne devraient pas présenter de risque grave à la santé humaine, à la santé animale ou à l'environnement. Les ODN CpG ont le potentiel d'accroître l'efficacité des vaccins conventionnels et des nouveaux vaccins. Comme les ODN CpG varient considérablement sur le plan de l'immunoactivité, l'innocuité de ces éléments d'ADN doit être évaluée au cas par cas.

8 Références

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