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La biologie du Triticum aestivum L. (blé)

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Contexte

L'Unité d'évaluation des risques des végétaux issus de la biotechnologie (UERVB) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) est chargée d'évaluer les risques écologiques que peut présenter la dissémination de végétaux à caractères nouveaux (VCN) dans l'environnement canadien.

Chaque évaluation de risque menée par l'UERVP nécessite de l'information sur la biologie de l'espèce végétale concernée et s'appuie à cette fin sur des documents décrivant la biologie de cette espèce. Au moment de l'évaluation d'un VCN, ces documents sont employés de pair avec la Directive 94-08 (Dir 94-08) Critères d'évaluation du risque environnemental associé aux végétaux à caractères nouveaux.

Portée

Le présent document a pour but de fournir des renseignements de base sur la biologie du blé, notamment :

Ces renseignements seront employés dans le cadre des évaluations du risque menées par l'UERVB. Ils aideront notamment à caractériser les risques potentiels découlant de la dissémination du végétal dans l'environnement canadien, en ce qui concerne :

Biologie du blé

Description générale, culture et utilisation

T. aestivum L. appartient à la famille des Poaceae (les graminées), sous-famille des Pooideae, tribu des Triticeae, et genre Triticum. Parmi toutes les espèces de blé cultivées, le T. aestivum, ou blé commun, est la plus importante sur le plan économique. Les noms communs du T. aestivum sont le froment, le blé ordinaire, le blé. (GRIN taxonomy, 2024; Knott, 1960). Dans le présent document, le terme 'blé' ou son nom scientifique sont utilisés pour designer T. aestivum. À noter que dans la littérature, le terme 'blé' est également utilisé pour désigner d'autres espèces.

Selon Lersten (1987), le blé est une graminée annuelle ou annuelle hivernale, de hauteur moyenne. Les feuilles ont un limbe plane, et l'inflorescence est un épi terminal, à fleurs parfaites. L'état végétatif de la plante se caractérise par la présence d'un plateau de tallage, dont les bourgeons axillaires se transforment en tiges feuillées. Les tiges, appelées chaumes, possèdent cinq à sept nœuds ainsi que trois ou quatre feuilles véritables. La feuille la plus haute, ou dernière feuille, sous-tend l'inflorescence. Chaque chaume produit un épi composé, dont les ramifications sont les épillets. Les épillets sont portés par le rachis, ou axe principal de l'épi, et séparés par de courts entre-nœuds. Chaque épillet est un axe reproducteur condensé, sous-tendu par deux bractées stériles appelées glumes. Les glumes enveloppent les deux à cinq fleurs, portées chacune par un court pédicelle appelé rachéole. La fleur possède trois étamines se terminant chacune par une grande anthère; le pistil comprend un seul ovaire, un seul ovule et deux styles se terminant chacun par un stigmate plumeux et ramifié.

Le T. aestivum est hexaploïde (AABBDD), possédant en tout 42 chromosomes (2n = 42, soit six copies de chacun de ses sept chromosomes). Le nombre haploïde de base est sept, puisque le nombre chromosomique des autres espèces de blé est également un multiple de ce nombre. Les cultivars de blé modernes sont soit tétraploïdes (blé dur, AABB), soit hexaploïdes (blé et blé club (Triticum compactum), AABBDD).

Le blé tire probablement son origine d'une forme sauvage de l'espèce diploïde appelée engrain (Triticum monococcum sensu lato), dans une région délimitée par l'Iran, l'Iraq, la Syrie et la Turquie (Feldman, 1976). La première espèce tétraploïde, le T. turgidum, est le résultat d'une hybridation avec amphidiploïdisation, entre le T. monococcum et le T. searsii; la première espèce a fourni le génome A, et la seconde, le génome B. La domestication de ce blé tétraploïde (AABB) a donné l'amidonnier, qui est à l'origine des cultivars modernes de blé dur. Les cultivars hexaploïdes sont issus d'une hybridation avec amphidiploïdisation, entre le T. turgidum, tétraploïde, et le T. tauschii, diploïde (DD). La nouvelle espèce résultant de ce processus, le blé (T. Aestivum), dispose donc d'une garniture génétique AABBDD.

La culture du blé a débuté avec la domestication de l'engrain et de l'amidonnier sauvages (Cook et Veseth, 1991). Les premiers efforts d'amélioration portant sur ces espèces ont probablement donné des blés dont l'épi ne s'égrenait pas sur pied, ce qui facilitait la récolte. De plus, les premiers agriculteurs ont dû privilégier les sujets à grains nus, plus faciles à battre. Du point de vue de l'adaptation, les blés hexaploïdes convenaient à la culture en climat frais, grâce aux caractères de rusticité fournis par le génome D. On a aussi adapté la plante à divers milieux de culture, en sélectionnant les sujets selon leur comportement de floraison. Ainsi, le blé de printemps est semé dans les régions à hiver rigoureux et arrive à fleurir la même année en produisant au bout d'environ 90 jours. Le blé d'hiver pour sa part, doit être exposé au froid (c'est-à-dire « vernalisation ») pour pouvoir ensuite produire. Il est semé en automne et récolté l'été suivant. D'autres variétés ont été créées pour les climats secs, par l'introduction de caractères produisant des plantes de petite taille, qui exigent moins d'eau et donnent quand même un bon rendement. Enfin, dans le cas des cultivars modernes, on a recherché une résistance à diverses maladies (rouilles, charbons, etc.), un accroissement du rendement grainier, ou une amélioration de la qualité du grain (protéines et amidon).

Le blé est une céréale importante en termes d'exportation et de consommation intérieure dans de nombreux pays du monde. En 2023, plus de 8,5 millions d'hectares ont été consacrés à la culture du blé au Canada (Statistique Canada, 2023). Le blé canadien est désigné de catégorie Ouest canadien ou Est canadien, selon la région où il a été cultivé. Il est ensuite réparti en classes, sur la base de ses caractéristiques fonctionnelles (par exemple, la dureté du grain et la force boulangère) (Commission canadienne des grains, 2019). Il existe 10 classes de blé de l'Ouest canadien et 7 classes de blé de l'Est canadien.

Les méthodes commerciales d'ensemencement et de récolte varient selon le type de blé. Dans le cas du blé d'hiver, comme la vernalisation est nécessaire, les semis doivent avoir lieu en septembre ou en octobre, afin que les plants puissent lever et se développer suffisamment avant le début de l'hiver. Durant la saison froide, les plants restent à l'état dormant. Avec les premières chaleurs du printemps, ils reprennent leur croissance et passent à un stade reproductif, l'épiaison. Dans la plupart des régions d'Amérique du Nord, la récolte peut commencer vers la mi-juillet. Dans le cas du blé de printemps, les plants ne requièrent aucun stade de dormance, et environ 90 jours s'écoulent du semis à la récolte. En Amérique du Nord, ce type de blé est généralement semé en avril ou en mai et récolté en août ou en septembre.

Le blé est cultivé en climats tempérés. La température minimale de germination des graines se situe entre 3 et 4°C. La floraison débute lorsque la température dépasse 14°C. En Amérique du Nord, le blé peut être cultivé jusqu'à environ 50° de latitude. Au Canada, les principales régions productrices se trouvent dans les provinces des Prairies (Manitoba, Saskatchewan et Alberta), mais il en existe aussi dans les provinces de l'est. La plus grande partie du blé cultivé dans les Prairies est du blé de printemps, tandis que les provinces de l'est produisent plutôt du blé d'hiver.

Le blé est le grain le plus consommé par les humains. Ce grain est principalement destiné à la minoterie. La farine, selon le type de blé, sert à la fabrication de divers produits. Celle du blé roux vitreux est utilisée en boulangerie, tandis que celle du blé roux tendre est utilisée en pâtisserie et en biscuiterie (gâteaux, craquelins, biscuits, muffins et pâtisseries diverses). La farine du blé blanc (tendre ou vitreux) sert à la fabrication des nouilles orientales; celle de blé blanc vitreux est également utilisée pour faire les tortillas, tandis que celle de blé blanc tendre a de nombreux usages, dont la fabrication de gâteaux, craquelins, biscuits, muffins et pâtisseries diverses. Une quantité appréciable de blé sert à l'alimentation du bétail, principalement des variétés de la classe Blé fourrager de l'Est canadien et de la classe Blé autre de l'Est canadien (Commission canadienne des grains, 2019).

Amélioration génétique, production de semences et de culture

Les programmes modernes d'amélioration du blé portent avant tout sur les propriétés culturales de la plante et sur la qualité du grain. Les propriétés culturales comprennent la rusticité hivernale, la tolérance à la sécheresse, la résistance aux maladies et aux insectes, la résistance à la verse et à l'égrenage, la hauteur des plants, le rendement grainier et l'aptitude à la récolte, tandis que la qualité du grain comprend des caractères tels que la forme, la couleur, le poids spécifique, la concentration et la nature des protéines, la concentration et la nature des amidons et la performance de la farine (Knott, 1987).

La plupart des variétés de blé cultivées en Amérique du Nord sont des lignées pures, obtenues par autofécondation. La mise au point d'une nouvelle variété commence par la production d'un hybride F1. Les sélectionneurs effectuent donc chaque année de nombreux croisements, cherchant ainsi à transférer certains caractères entre lignées généalogiques et entre cultivars. La génération F2, obtenue par autofécondation de la F1, affiche un vaste éventail de variations génétiques à partir des génotypes parentaux. La sélection de sujets intéressants débute dès la génération F2 et se poursuit pendant au moins deux autres générations, jusqu'à ce que les sujets produisent une descendance génétiquement uniforme. À ce stade, survenant généralement à la F6, la sélection peut débuter pour les caractères complexes tels que le rendement et la qualité du grain. De plus, une fois que la lignée est suffisamment uniforme, on recueille des données de performance dans de petites parcelles d'essai, en vue de choisir les lignées qui justifient une sélection plus poussée. Fait à noter, l'amélioration est un processus plus rapide dans le cas du blé de printemps que dans celui du blé d'hiver. En effet, comme le blé de printemps n'a pas besoin d'être vernalisation, le sélectionneur peut obtenir deux à trois générations par année soit en travaillant en serre ou dans les champs en tirant parti d'une région australe, par exemple, la Californie ou l'Arizona, ou d'une région, telle la Nouvelle-Zélande, où la saison de production alterne avec la nôtre.

À partir des données de performance obtenues en petites parcelles, les lignées sont sélectionnées en vue des essais de pré-enregistrement, qui doivent être effectués dans 10 à 20 localités, sur trois années. Les résultats de ces essais permettent de déterminer si la lignée mérite d'être enregistrée à titre de cultivar nouveau. Selon ces résultats, certains groupes administratifs, comme le Comité de recommandation des Prairies pour le blé, le seigle et le triticale, décident d'appuyer ou non la demande d'enregistrement. Une fois l'enregistrement approuvé, la semence du sélectionneur est distribuée aux producteurs de semence qui se chargent de la multiplier et d'obtenir ainsi la semence de fondation. C'est à partir de cette dernière que sont produites commercialement les semences enregistrées et certifiées (Anonyme, 1994). En pareil cas, les producteurs de semences ont recours à des systèmes d'androstérilité et de rétablissement de la fertilité, ou à des gaméticides chimiques, pour produire commercialement des semences F1. Plusieurs blés d'hiver hybrides ont été commercialisés aux États-Unis à petite échelle. Une superficie limitée de blés de printemps hybrides est prévue en 2024. Aucun blé hybride n'est commercialisé au Canada.

Dans les systèmes agricoles courants, le blé est généralement semé en rotation avec d'autres cultures, afin de prévenir l'accumulation de pathogènes, d'insectes et de mauvaises herbes. Dans l'Ouest canadien, plusieurs cultures peuvent être employées à cette fin, dont l'orge, le canola et le lin, en fonction du type de sol, des pratiques culturales, etc.

Reproduction

Le blé ne se reproduit que dans un contexte agricole, puisqu'il est largement dépendant de l'être humain pour récolter et disperser ses graines. Le blé est une espèce surtout autogame. En général, le taux l'allogamie peut atteindre 10 % ou même davantage chez les espèces autogames et varie selon les populations, les génotypes et les conditions écologiques (Jain, 1975). Par exemple, des populations de graminées dont le taux normal d'allogamie était inférieur à 1 % ont affiché certaines années un taux allant jusqu'à 6,7 % (Adams et Allard, 1982). Hucl (1996) a constaté que le taux d'allogamie de dix cultivars canadiens de blé de printemps variait selon le génotype mais était toujours inférieur à 9 %. L'allogamie tend à être le plus fréquente chez les cultivars dont le pollen réagit peu aux colorants, dont l'épi est effilé aux extrémités et dont les épillets sont le plus ouverts au moment de l'anthèse. Des résultats similaires ont été obtenus par Lawrie et al. (2006) suite à l'évaluation de 35 variétés canadiennes de blé de printemps pendant 2 ans. En général, les taux d'allogamie étaient inférieurs à 3.5%; toutefois, quelques exceptions ont été observées avec des taux atteignant 10.6%. Martin (1990) a observé une taux d'allogamie de 0,1 à 5,6 % chez des cultivars de blé d'hiver et en a conclu que le port semi-nain de ces cultivars n'avait pas d'incidence sur leur taux d'allogamie.

Dans le cadre de programmes d'amélioration du blé, l'isolement des plants de blé sélectionnés lors de la multiplication des semences peut se faire au moyen de sacs de papier sulfurisé ou de cellophane ou des tubes de dialyse. Une distance de trois mètres constitue un isolement suffisant pour prévenir l'allogamie pour la production des semences de fondation au Canada (Anonyme, 1964).

DeVries (1971) a constaté que les fleurs du blé demeurent ouvertes pendant 8 à 60 minutes, selon le génotype et les conditions écologiques. Au moment de la déhiscence des anthères, 5 à 7 % du pollen tombe sur le stigmate, 9 à 12 % reste dans l'anthère, et le reste est dispersé. Le pollen demeure ensuite viable pendant 15 à 30 minutes. Une fois libérés, les grains de pollen se dessèchent, et leur fixation aux ramifications du stigmate est assurée par une brève force électrostatique suivie de l'absorption d'eau par les grains de pollen à travers des ouvertures de la cuticule du stigmate (Heslop-Harrison, 1979). Ce processus permet en outre au tube pollinique de s'allonger, ce qui facilite la fécondation. Chez le blé, la période de réceptivité du stigmate dépend de la variété et des conditions écologiques mais se situe généralement entre 6 et 13 jours. La croissance du tube pollinique débute généralement une ou deux heures après la pollinisation, puis la fécondation survient 30 à 40 heures plus tard (deVries, 1971). Cependant, les graines de pollen peuvent germer peu de temps après leur contact avec la surface du stigmate et le blé peut être fécondé dans moins d'une heure (communication personnelle, George Fedak, 1999). Le premier épillet à fleurir se situe généralement dans le tiers médian de l'épi, habituellement près de la limite supérieure de ce tiers. La floraison progresse assez rapidement vers le sommet de l'épi et un peu plus lentement vers sa base. Les fleurs primaires de l'épillet s'ouvrent les premières, puis les secondaires, et ainsi de suite. Chez le blé, les étamines sont plus petites et produisent moins de pollen (1000 à 3800 grains de pollen par anthère, soit 450 000 par plant) que chez les autres graminées céréalières. Selon deVries (1971), ce nombre est de 4 millions chez le seigle (Secale cereale L.) et de 18 millions chez le maïs (Zea mays L.).

Centre d'origine

L'origine du blé est difficile à préciser à cause de la diversité des opinions taxonomiques. Cependant, Feldman (1976) et la plupart des chercheurs estiment que les cultivars de blé modernes sont issus de l'engrain (T. monococcum ssp. urartu) et de l'amidonnier (T. turgidum). L'engrain sauvage est apparu dans le sud-est de la Türkiye, où il croît encore aujourd'hui. L'amidonnier sauvage a une répartition semblable, qui s'étend cependant aux régions méditerranéennes du Proche-Orient. Les deux espèces poussent d'ailleurs souvent ensemble. Les divers cultivars du blé dur sont issus de l'amidonnier cultivé, tandis que le blé commun, hexaploïde, est issu d'une hybridation entre l'amidonnier et une espèce diploïde, le T. tauschii, qui a fourni au blé commun son génome D. On croit que le T. tauschii est originaire du nord de la Mésopotamie, ce qui expliquerait les gènes de rusticité associés au génome D.

Le blé cultivé, comme mauvaise herbe spontanée

La domestication du blé moderne a amené l'apparition de caractères qui étaient utiles aux premiers agriculteurs mais réduisaient grandement la survie des nouvelles races de blé à l'état sauvage. En effet, ces agriculteurs ont privilégié les sujets dont l'épi ne s'égrenait pas sur pied, ce qui facilitait la récolte. Ils pouvaient ainsi récolter les épis chargés de grains, plutôt que de ramasser les grains au sol. Par contre, ce caractère défavorise les plantes sur le plan de la compétition avec les autres espèces, qui sont capables de disséminer leurs graines plus efficacement. De même, les blés à grain nu étaient plus faciles à battre que ceux à grains vêtus, mais ces graines étaient plus sensibles aux conditions écologiques extrêmes.

Malgré ces désavantages écologiques, les cultivars de blé modernes sont parfois observés dans des champs non cultivés ou au bord de chemins. Ces plants, généralement issus de graines échappées pendant leur récolte ou leur transport, ne persistent généralement pas et sont habituellement éliminés par le fauchage, par le travail du sol ou par l'application d'herbicides. De même, des plants spontanés de blé peuvent apparaître dans les cultures faisant suite à une culture de blé. Dans les Prairies canadiennes, on a observé que le blé pouvait se ressemer et produire des repousses spontanées pendant 3 ans, et parfois plus longtemps (Harker et al. 2005; De Corby, 2007; Seerey et al. 2011). Ces plants sont généralement éliminés par le travail du sol ou par l'application d'herbicides.

Le génie génétique permet aujourd'hui d'augmenter constamment le rendement du blé et la qualité du grain tout en diminuant la capacité du blé à survivre à l'état sauvage. D'ailleurs, le blé est cultivé depuis des siècles et on n'a relevé aucun cas où cette plante serait devenue envahissante au point d'être nuisible.

Espèces voisines du blé

Hybridation interspécifique et intergénérique

En examinant l'impact environnemental que pourrait avoir la dissémination en milieu ouvert du blé génétiquement modifié, il est important de comprendre le risque d'hybridation interspécifique ou même intergénérique entre cette espèce et les espèces voisines. La production d'hybrides peut entraîner l'introgression de caractères nouveaux chez ces espèces et ainsi avoir les répercussions suivantes :

Comme le blé est une plante essentiellement autogame, son hybridation naturelle avec des espèces ou des genres apparentés a rarement été observée. Chez le blé, le flux génétique dû au pollen décroit exponentiellement avec la distance, 90% du pollen tombant à moins de 3 mètres de la plante source de pollen (Hegde & Waines, 2004). L'hybridation entre les espèces du genre Triticum a fait l'objet d'un article de synthèse par Kimber et Sears (1987). Il s'avère que l'hybridation entre le blé cultivé et les espèces voisines du genre Triticum est possible mais il n'existe aucune espèce sauvage de Triticum en Amérique du Nord.

De nombreux croisements de type classique ont été réalisés avec succès à l'intérieur du groupe d'espèces ayant une constitution génétique apparentée à celle du T. aestivum. Ainsi, l'hybridation est possible entre tous les taxons hexaploïdes (T. aestivum ssp. vulgare, T. compactum, T. sphaerococcum, T. vavilovii, T. macha et T. Spelta), toutes ces espèces ayant le génome AABBDD (Körber-Grohne, 1988)). Chez le T. aestivum, la stabilité du génome hexaploïde est attribuable à des gènes, notamment celui du locus Ph1, qui empêchent l'appariement des chromosomes homologues. Par conséquent, la neutralisation du locus Ph1 est un outil important pour les sélectionneurs qui effectuent des croisements interspécifiques et intergénériques. La neutralisation peut être accomplie en utilisant des mutants tels que Ph3a et Ph3b.

Un cas bien connu d'hybridation intergénérique est le triticale (Lukaszewski et Gustafson, 1987), plante issue d'un croisement avec amphidiploïdisation entre le blé et le seigle (S. cereale L.). On ne signale cependant aucun cas où le triticale aurait servi de pont pour l'hybridation avec des graminées sauvages. Cependant, certaines espèces n'ont pas été testées et le triticale n'est pas cultive à grande échelle (Kavanagh et al., 2010). Des hybrides entre le blé et le seigle ont été obtenus suite à une intervention humaine (Florell, 1931). Il existe quelques mentions d'hybrides naturels entre le blé et le seigle au Canada mais ces mentions n'ont pas été confirmées et n'ont pas été publiées dans des revues à comité de lecture (Hedge and Waines, 2004).

De plus, le blé a fait l'objet de travaux importants en matière de croisements éloignés (Sharma et Gill, 1983), mais la plupart de ces travaux sont sans conséquence pour les milieux naturels au Canada, puisque peu de ces espèces sont indigènes et que l'obtention d'une descendance fertile exige souvent des techniques comme la récupération d'embryons, la pollinisation manuelle et l'androstérilité.

Risque d'introgression génétique depuis le blé vers les espèces voisines

Les espèces, les plus étroitement apparentées au blé en Amérique du Nord appartiennent au genre Aegilops.

L'hybridation entre le blé et Aegilops cylindrica Host (l'égilope cylindrique) est possible en conditions naturelles (Donald and Ogg, 1991; Gaines et al., 2008; Gandhi et al., 2006; Hanson et al., 2005, Morrison et al., 2002, Seefeldt et al., 1998; Stone and Peeper, 2004, Zaharieva and Monneveux, 2006; Zemetra et al., Mallory-Smith, 1998; Perez-Jones et al., 2006; Perez-Jones, et al., 2010; Rehman et al., 2017). La plupart des hybrides F1 sont stériles, mais une introgression est possible. Le blé est allohexaploïde (2n = AABBDD = 42) et l'égilope cylindrique est allotetraploïde (2n = CCDD=28). Puisque les 2 espèces ont en commun le génome D, la probabilité de transfert génétique est plus forte pour les gènes situés sur le génome D du blé.

Il existe d'autres espèces du genre Aegilops reconnues comme étant des mauvaises herbes en Californie tel l'Ae. crassa, l'Ae. geniculata, l'Ae. ovata et l'Ae. triuncialis. Aucun cas d'hybridation entre le blé et ces espèces n'est rapporté.

Une autre espèce apparentée au blé est Elymus repens (auparavant Agropyron repens). Knobloch (1968) cite des observations d'hybrides entre le blé et E. repens, bien que de tels hybrides s'avèrent difficiles à obtenir par pollinisation manuelle. Aucune mention ultérieure n'a été rapportée dans la littérature.

Le blé peut s'hybrider avec d'autres espèces du genre Agropyron, cependant, aucune mention n'a été faite d'hybrides survenant de façon spontanée (Knott, 1960, Mujeeb-Kazi, 1995). Des hybrides entre le T. aestivum et l'agropyre intermédiaire (A. intermedium) ont été observés en Russie, où on a même réussi à obtenir des sujets fertiles (Tsvelev, 1984). Smith (1942) a également réussi à obtenir de tels hybrides fertiles, à plusieurs reprises, par pollinisation manuelle. Ces hybrides présentent un intérêt au Canada, puisque l'agropyre intermédiaire est utilisé pour l'amélioration des grands pâturages de l'Ouest canadien, où l'espèce pousse également à l'état adventice.

Par ailleurs, des hybrides artificiels ont été obtenus entre le blé et A. curvifolium, A. Distichum, A. junceum, A. cristatum, A. elongatum et A. Trichophorum (Smith, 1942).

Il existe d'autres mauvaises herbes apparentées natives d'Amérique du Nord dont Elymus bakeri (l'agropyre à Baker), Hordeum californicum, Hordeum jubatum (herbe à queue d'écureuil), Leymus angustus (l'élyme de l'Altaï), Elymus canadensis (l'élyme du Canada) et Elymus virginicus (l'élyme de Virginie). Ces espèces sont capables de former des hybrides avec le blé à condition d'utiliser des méthodes artificielles (communication personnelle, George Fedak, 1999). Aucun cas d'hybride naturel n'a été rapporté.

La possibilité de flux génétique interspécifique ou intergénérique au champ entre le blé et d'autres espèces de la tribu des Triticées est improbable in Canada. Cependant, le fait qu'un grand nombre de cas d'hybridation aient été signalés doit être pris en considération lorsqu'on évalue le risque d'introgression de caractères « nouveaux » depuis le blé transgénique vers les plantes sauvages apparentées.

Présence au Canada d'espèces apparentées au blé

Il n'y a aucune espèce sauvage de Triticum au Canada (Feldman, 1976; Hedge and Waines, 2004).

L'égilope cylindrique, Ae. cylindrica, est une mauvaise herbe apparentée présente en Ontario et en Colombie-Britannique (Agence canadienne d'inspection des aliments, 2023). L'égilope cylindrique est un organisme nuisible réglementé et une mauvaise herbe nuisible interdite au Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments, 2023). Les incursions d'égilope cylindrique au Canada sont représentées par de petites populations localisées sous contrôle réglementaire par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Certaines de ces populations ont été déclarées éradiquées, alors que d'autres continuent de faire l'objet d'efforts d'éradication. Dans l'Ouest des États-Unis, l'egilope cylindrique est une mauvaise herbe qui nuit à la production du blé d'hiver hexaploïde.

Au Canada, la mauvaise herbe apparentée la plus commune est le chiendent (E. repens), qui est présent dans toutes les provinces et territoires du Canada (Crompton et al., 1988). E. repens fait partie de la liste des mauvaises herbes nuisibles principales dans l'Arrêté de 2016 sur les graines de mauvaises herbes. C'est une graminée pérenne fréquente dans les zones agricoles, en particuliers les prairies, les champs cultivés, les jardins, les bords de routes, et les terrains vagues (Frankton and Mulligan, 1993; Alex and Switzer, 1976).

Les espèces qui suivent sont apparentées au blé et font partie de la tribu des Triticées; Knobloch (1968) mentionne qu'elles peuvent s'hybrider avec le blé. Elles sont présentes au Canada à titre de plantes naturalisées ou cultivées et servent à la production de fourrage spécialisé ou à la stabilisation des sols. Ces graminées sont présentes au Canada, et on sait qu'elles peuvent coloniser les milieux perturbés tels que les champs non cultivés et les bords de routes. Il est cependant fort improbable que des hybrides entre le blé et ces espèces voisines soient produits en milieu naturel.

Nom de l'espèce Nom commun Présence au Canada
Elymus dahuricus Turcz. ex Griseb. in Ledeb élyme dahurien cultivé / introduit
Psathyrostachys juncea (Fisch.) Nevski élyme de Russie cultivé / naturalisé
Leymus arenarius (L.) Hochst élyme des sables naturalisé
Thinopyrum intermedium (Host) Barkworth & D.R. Dewey agropyre intermédiaire cultivé / naturalisé
Elytrigia intermedia (Host) Nevski chiendent intermédiaire cultivé / naturalisé
Agropyron elongatum (Host) Beauv. agropyre élevé cultivé / naturalisé
Agropyron cristatum (L.) Gaertn. agropyre à crête cultivé / naturalisé

Aperçu de l'écologie des espèces apparentées au blé

Au Canada, Ae. cylindrica et E. repens sont des principales mauvaises herbes apparentées au T. aestivum.

Ae. cylindrica est un organisme nuisible réglementé et une mauvaise herbe nuisible interdite au Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments, 2016). C'est une graminée annuelle, atteignant 40 à 60 cm de haut, et qui ressemble au blé. Ae. cylindrica se distingue du blé par ses épis étroits et cylindriques, ainsi que ses poils également répartis le long des limbes (ACIA, 2023).

E. repens fait partie de la liste des mauvaises herbes principales dans l'Arrêté sur les semences de mauvaises herbes (2016). Cette graminée pause des problèmes dans les zones agricoles de tout le Canada. C'est une vivace qui se reproduit par graines, lesquelles peuvent demeurer viables dans le sol pendant 5 ans, ainsi que par rhizomes (ACIA, 2017). Elle peut être contrôlée dans les cultures par des herbicides sélectifs.

Interactions possibles entre le blé et d'autres organismes

Les renseignements du tableau 1 visent à aider le demandeur à déterminer les impacts possibles de la dissémination du VCN sur les organismes non visés mais ne devraient pas être considérés comme étant exhaustifs. En cas d'impact important du VCN sur tout organisme visé ou non visé, il peut être nécessaire d'évaluer les effets secondaires de cet impact.

Tableau 1.
Autre organisme Type d'interaction avec le blé
(Pathogène; Symbiote ou organisme utile; Consomateur; Transfert de gène)
Pseudomonas syringae pv. atrofaciens
Bactériose des glumes
Pathogène
Xanthamonas campestris pv. translucens
Glume noire
Pathogène
Erwinia rhapontici
Semence rose
Pathogène
Corynebacterium tritici
Brûlure bactérienne de l'épi
Pathogène
Colletotrichum graminicola
Anthracnose
Pathogène
Ascochyta tritici (incluant A. sorghi)
Tache ascochytique
Pathogène
Cephalosporium gramineum
Strie céphalosporine
Pathogène
Tilletia caries
Carie commune
Pathogène
Bipolaris sorokinia (incluant Helminthosporium sativum)
Pourriture sèche
Pathogène
Scleropthora macrospora
Mildiou
Pathogène
Tilletia controversa
Carie naine
Pathogène
Claviceps purpurea
Ergot
Pathogène
Pseudocerosporella herpotrichoides
Piétin-verse
Pathogène
Puccinia spp.
Rouille
Pathogène
Monographella nivalis (incluant Calonectria nivalis)
Moisissure nivéale rose
Pathogène
Leptosphaeria herpotrichoides
Tache auréolée
Pathogène
Sclerotinia borealis
Moisissure nivéale
Pathogène
Erysiphe graminis
Oïdium
Pathogène
Septoria spp.
Tache septorienne
Pathogène
Typhula spp.
Moisissure nivéale tachetée
Pathogène
Gaeumannomyces graminis
Piétin-échaudage
Pathogène
Pyrenophora trichostoma
Tache auréolée
Pathogène
Heterodera avenae
Kyste des racines
Consommateur
Subanguina radicicola
Tumeur des racines
Consommateur
Meloidogyne spp.
Nodosité
Consommateur
Paratrichodorus spp.
Racine tronquée
Consommateur
Pratylenchus spp.
Nécrose des racines
Consommateur
Mayetiola destructor
Mouche de Hesse
Consommateur
Cécidomyie Consommateur
Diuraphis noxia
Puceron russe du blé
Consommateur
Insectes utiles Symbiote ou organisme utile
Microbes du sol Symbiote ou organisme utile
Vers de terre Symbiote ou organisme utile
Insectes du sol Symbiote ou organisme utile
Autres T. aestivum Transfer de gènes

Remerciements

Le présent document a été rédigé en collaboration avec la Cyanamid Crop Protection et Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous remercions en particulier S. Darbyshire (AAC-CRECO) pour l'information fournie et l'examen du document. L'ACIA a mis à jour ce document en 2024.

Bibliographie

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